La tabaculture en France Privée d'aides européennes, la filière négocie sa survie
Les producteurs de tabac français, qui seront privés en 2010 d'une grande partie de leurs subventions européennes, réclament une part de la hausse du prix des cigarettes pour sauver leur activité.
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« On ne peut pas exclure un abandon de la production l'an prochain », affirme François Vedel, directeur général de France Tabac, qui regroupe les 2.500 cultivateurs français. En effet, les deux-tiers des revenus tirés de cette activité dépendent de l'UE.
Selon le ministère de l'Agriculture, la culture du tabac en France génère 67 millions d'euros de chiffre d'affaires. Quatre régions - Aquitaine, Midi-Pyrénées, Poitou-Charente et Alsace - concentrent 70% des 6.500 hectares cultivés. A partir de 2010, 50% des subventions de la Politique agricole commune (Pac) seront découplées de la production et l'autre moitié affectée au développement rural au lieu d'être versée directement à l'agriculteur. Nécessitant une forte main-d’œuvre, les producteurs de tabac européens disent ne pas pouvoir lutter contre des exportateurs comme l'Inde, le Brésil ou le Malawi.
Mais les pays de l'UE ont fini par voir d'un mauvais œil un soutien jugé incompatible avec la lutte contre le tabagisme. « Pour des questions de santé publique et d'image, on va tuer la tabaculture alors qu'il n'y a aucun lien entre production et consommation », s'agace Didier Ther, directeur de la coopérative Périgord Tabac. « L'Europe importe déjà 75% de sa consommation. Sans nous, demain, ce sera 100% et ça ne changera rien à la santé, sauf la destruction de 10.000 emplois saisonniers en France, et bien plus en Europe », ajoute-t-il.
Pour compenser la perte de ces aides, la filière française demande une répercussion en sa faveur de la hausse du prix des cigarettes. « Au moment ou le gouvernement vient de décider d'augmenter de 6% le prix des cigarettes, il suffit d'affecter 0,4% du coût du paquet aux producteurs », a proposé le député Germinal Peiro, soit un peu plus de 2 centimes par paquet. « Au lieu du contribuable européen, ce serait désormais le consommateur qui soutiendrait la tabaculture, via une mesure indolore pour le fumeur », ajoute ce président d'un groupe de députés sur le thème du tabac. Alors que les négociations se poursuivent, le ministère de l'Agriculture y voit un risque de distorsion de concurrence et de rappel à l'ordre de l'UE. « Distorsion de concurrence du Malawi », répond le député Peiro, qui fustige « un délire ultralibéral » abandonnant au seul marché « une filière modèle, bien organisée avec ses sept coopératives, sa propre usine de transformation à Sarlat et même une caisse de réassurance ». « Tout ne viendra pas des pouvoirs publics », admet M. Vedel, « il faut aussi obtenir une hausse des prix auprès des industriels. Mais ce sera difficile, car rien ne les empêche d'aller voir ailleurs ».
En 2008, les manufacturiers ont acheté à 1,58 euro le kilo en moyenne les 16.269 tonnes de tabac blond produites en France, qui se répartissent entre deux variétés: le Virginie (55%) et le Burley. Le tabac brun, en déclin depuis le début des années 80, est devenu très marginal (150 ha). Avec l'assurance contractuelle d'écouler sa production, le tabac est devenu une culture d'appoint (2,6 ha/exploitation en moyenne) dont les revenus sont bienvenus pour nombre de petites et moyennes exploitations, à côté d'autres activités moins rentables (lait, fruits et légumes, élevage). « Si nous arrêtons le tabac, nous allons concurrencer d'autres petites productions déjà fragiles », assure M. Ther, « et au chômage, on coûtera plus cher ».
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